Le conseil municipal à travers le temps
Une histoire des maires et des municipalités ne peut vraiment commencer qu’avec la Révolution, puisque c’est le 14 décembre 1789 que la première loi municipale est votée. Désormais, toutes les assemblées d’habitants, quelle que soit leur importance, ont la même organisation municipale, avec un maire et des conseillers élus à leur tête. Le 22 décembre 1789, 44 000 municipalités sont mises en place en France (autant que de paroisses). Certains dirigeants révolutionnaires (les constituants) auraient préféré des regroupements de communes, cependant, les représentants des communautés villageoises les obligèrent à respecter chacune des anciennes paroisses. On doit parler désormais de « communauté d’habitants » et non plus de paroisse, mais les habitudes étant là, l’usage du nouveau terme fut long à être tout à fait adopté. La nouvelle législation consacre la démocratisation des nouvelles municipalités, certes limitée par les règles étroites du suffrage censitaire qui reste de règle, car pour être électeur, il faut payer un impôt au moins égal à trois journées de travail (soit environ 3 livres). Les plus pauvres sont, par conséquent, écartés : autant dire que les électeurs ne sont pas nombreux dans les petites communes comme celle de Gennes. L’électeur est déclaré « citoyen actif ». Les élus doivent payer un impôt au moins équivalent à dix journées de travail. Les membres du conseil étaient divisés en deux échelons : les notables, dont le nombre variait de 6 à 42 suivant la population de la commune, et les officiers municipaux, aux nombre de 3 à 21. Ces officiers composaient le corps municipal, élément actif et permanent du conseil général de la commune. L’agent municipal (ou maire) est, en principe, élu pour deux ans (les changements politiques étant souvent répercutés automatiquement jusque dans les communes) et il ne pourra être réélu qu’après une attente de deux ans. Il existait aussi un procureur de la commune, élu dans les mêmes conditions que le maire, chargé de requérir l’exécution des lois. Le corps municipal pouvait siéger en tribunal de simple police : dans ce cas, le procureur syndic remplissait les fonctions d’accusateur public. Il avait, par ailleurs, voix consultative dans toutes les affaires. Cette organisation fonctionna jusqu’en 1795. Pendant la Terreur, les conseils municipaux comme les districts se montrèrent les organes actifs du gouvernement révolutionnaire, aussi la constitution de l’an III les supprima-t-elle et ne laissa, dans chaque commune rurale, qu’un agent municipal avec son adjoint.
Les premières élections municipales eurent lieu en février 1790. Le maire fut ensuite immédiatement installé après le grand rite de la prestation de serment. La loi du 19 avril 1790, stipule : « Lorsque le maire et les officiers municipaux seront en fonction, ils porteront pour marque distinctive, par dessus leur habit, une écharpe aux trois couleurs de la nation, bleu, rouge et blanc, attachée d’un nœud, et ornée d’une frange couleur d’or pour le maire, blanche pour les officiers municipaux, et violette pour le procureur de la commune ». En 1791, les gardes champêtres font leur apparition, et à partir de cette date, et au moins jusqu’en 1851, maires et officiers de la garde nationale feront régner la loi - bien souvent « leur loi ».
Les maires furent d’abord élus par les citoyens qu’ils devaient administrer ; ils furent ensuite nommés entre 1800 et 1882, avec néanmoins des retours ponctuels à des élections au moment de fortes crises politiques ou populaires, comme en 1815 lors des Cent-Jours, en 1848 lors de la Révolution de Février et en 1871 au temps de la Commune de Paris. L’élection du maire reviendra définitivement en 1882 lors de la réinstallation de la République avec cependant une petite paranthèse de 1940 à 1945 où le régime de Vichy réinstaure la nomination des maires par le gouvernement, mais ce ne fut pas le cas pour les petites communes comme Gennes. En effet, pour tout gouvernement totalitaire, le maire doit être ses yeux, ses oreilles et ses bras, alors pas question de parler d’élection populaire ! De 1831 à 1848, l’élection du maire se fait au sein du conseil municipal, lui-même élu au suffrage censitaire, puis, à partir de 1848, au suffrage universel.
En général, le maire était un homme d’âge mûr (environ la cinquantaine). C’était un homme du pays, qui résidait dans la commune qu’il était en charge d'administrer. Son instruction n’était pas toujours très élevée, mais il pouvait toujours compter sur le secrétaire de mairie. Ce dernier sera, jusqu’à une période récente, l’instituteur ou l’institutrice du village. Les nobles reviennent à la charge sous la Restauration, pour s’effacer en 1830 puis revenir un moment sous le Second Empire, mais ils s’investissent le plus souvent dans les villes, où la charge est plus honorifique et plus gratifiante. La fonction est pourtant gratuite, ce qui explique que le maire est souvent un propriétaire plus ou moins riche, l’exploitant de la terre n’a pas le temps de se charger d’autres fonctions, et, jusqu’aux temps modernes, métayers comme fermiers ne sont pas suffisamment instruits pour administrer leur commune. La charge de maire était ainsi très souvent l’affaire d’une famille distinguée par sa richesse, son influence ou sa compétence.
Ce n’est qu’en 1945 que les femmes seront admises à administrer les municipalités, mais il faudra attendre 1977 pour que soit élue la première conseillère municipale (Marie-Claude Boissenot) et 2008 pour que Maryse Millet soit la première femme à être élue maire de Gennes.